La page d'Alexandre : La pulsion, le fantasme, le symptôme et l’ objet.



La pulsion est le lieu topologique formé subséquemment à la perte originelle de l’ objet a. Ses bords sont constitués par l’ écart entre ce que l’ on nomme le corps (le soma) et le langage. La pulsion n’ est donc satisfaite ni par la solution apportée au besoin organique ( nourriture, chaleur, etc…) ni par le langage où le Sujet est barré car réduit au Signifiant qui l’ y représente. La pulsion se pare donc du fantasme pour illusoirement fermer le lieu de la perte de l’ objet a.

La répétition du fantasme et des actes posés pour tenter de l’ assouvir, soit le symptôme, tient à ce que la pulsion, jamais satisfaite, réitère son algorithme géométrique afin d’ atteindre en vain la jouissance. Vanité de cette tentative car la jouissance est, de structure, perdue comme surface externe de l’ objet a.

La cure analytique est une entreprise de démontage du fantasme qui couvre la pulsion qui le réitère par la répétition. La cure démontre à l’ analysant que la jouissance n’ existe nulle part et que l’ Autre fantasmé comme partenaire idéal, père, Dieu ou diable, ne peut y apporter de solution car il existe aussi un manque dans l’ Autre : S(Abarré).La grammaire du fantasme contient le schéma des allers-retours de la pulsion.

L’ objet a, cause de la pulsion et donc du désir, est cette singularité portée à l’ infini qui unit organisme et Signifiant. Il échappe à la névrose, à la psychose et à la perversion qui, elles, ont trait à l’ organisation particulière des Signifiants du Sujet.

Le symptôme est une construction, une écriture, un récit ayant pour cause finale de satisfaire le fantasme attaché à la pulsion. La déconstruction du fantasme dissout le symptôme en le réduisant en sinthôme. Le désir fait passer du fantasme au symptôme car, de n’ être jamais totalement satisfait (puisqu’il y a toujours un manque dans l’ Autre), le désir génère secondairement le symptôme comme objet de substitution. L’ objet a est impossible à rejoindre, le désir ne peut remonter à sa cause. Le Sujet va donc adopter un objet de substitution : le fantasme visant à restaurer la jouissance perdue.

Du côté du Réel, celui-ci est également irréparablement et structurellement perdu. Le Sujet adopte le symptôme à la place du Réel : ce mécanisme substitutif lui fournit une satisfaction très incomplète qui masque la pulsion.

Le symptôme est la lettre de la jouissance qui reste, dans sa totalité, hors du champ des signifiants. Le Sujet lie le particulier de sa jouissance au langage par la lettre de son symptôme.(1)

Dans l’ appellation de l’ objet a, il y a deux éléments. L’ élément « objet » et l’ élément « a ». L’ objet est du coté de la jouissance et le « a » du coté du Réel. L’ objet a est par conséquent « la pleine jouissance du Réel ». La perte de l’ objet est remplacée par le fantasme et la perte de « a » est remplacée par le symptôme. Ceci permet de dire que le fantasme est du coté de l’ objet et le symptôme du coté du Réel car le Réel écrit, il ne parle pas.

Si l’ on soustrait l’ objet a de la structure, il ne reste que le fantasme, le symptôme et la lettre. On peut donc écrire :
Structure – objet a = fantasme + symptôme + lettre.

Le symptôme étant le Sujet, on obtient :

Structure – objet a = Sujet + fantasme + lettre.

La lettre est du côté du symptôme qui est procès d’ écriture et le Signifiant est du côté de la jouissance inatteignable.

L’ amour est un lien symptomatique entre deux êtres parlants, c’ est donc une histoire de signifiants. Or aucun sujet, effet du signifiant, ne peut restaurer à un autre sujet sa part manquante (objet a) car il y a un manque dans l’ Autre. Tout amour se dénoue donc un jour, c’ est de structure. C’ est ce qu’à sa manière toute scolastique Thomas d’ Aquin appelait au XIIIè siècle, les « unions accidentelles entre sujets » ! Point d’ union hypostatique dans le Symbolique…

Le symptôme « amour » est une poésie au sens grec ancien de la « poièsis » où s’ invente entre deux sujets une langue qui essaie de porter un Réel perdu. La « tuché », où rencontre du sujet dans l’ amour, est marquée du ratage qui répète la perte initiale de l’ objet a. L’ automaton est, quant à lui, mis en mouvement par les allers-retours de la pulsion.

Ainsi, le symptôme et le fantasme sont les deux bornes de toute la partie inconsciente de l’ appareil psychique. Le fantasme est formé par la pulsion et le symptôme est formé par l’ Inconscient dont le fantasme est le fondement. Le symptôme est retour du refoulé qui fut refoulé afin d’ éviter le déplaisir. Le symptôme est donc préférable à supporter que la mauvaise surprise du retour du refoulé au Conscient. Il est fixation somatique d’ un non-dit : c’ est d’ ailleurs ce pourquoi il est écrit ! Le fantasme, comme soubassement de l’ Inconscient soutient la position du Sujet dans l’ existence là où il se croit être. C’ est de cette position que tout sera interprété par lui. Voilà pourquoi l’ acte analytique vise à l’ exhumation du fantasme fondamental du Sujet.

La pulsion est le lieu du lien entre fantasme et symptôme : elle prend sa source dans les trous du soma et se fixe à une première représentation qu’elle répète ; formant par là la trame de l’ Inconscient et des symptômes. La pulsion procède d’ un mouvement cyclique se liant à des signifiants pour former le fantasme dans le champ Symbolique. La cinétique centrifuge générée par le mouvement cyclique de la pulsion correspond à la pulsion de vie, éros. Le centre de gravité de la pulsion est vide car celle-ci est pur cycle. Ce centre vide est la conséquence de la perte de l’ objet a qui donna naissance à la géométrie particulière de la pulsion. La distance qui sépare ce centre vide de l’ objet a perdu est perpendiculaire à la distance qui sépare ce même centre vide de sa périphérie pulsionnelle. Ces deux axes perpendiculaires correspondent à un équilibre entre l’ énergie cinétique du cycle pulsionnel et l’ énergie potentielle formée par la distance de l’ objet a à son centre d’ effondrement originaire. Cette énergie de cycle empêche la collapse du Sujet qui n’ a de cesse de tendre vers l’ objet a. Cette tendance du Sujet à rejoindre l’ objet a est la pulsion de mort : thanatos.

On peut déduire de cette métaphore topologique que la pulsion de vie cyclique forme le bord horizontal du champ Symbolique : bord qui protège, par sa cinétique centrifuge, l’ articulation signifiante d’ un effondrement vertical sur l’ objet a. Cet effondrement correspondant somatiquement à la mort. La vie est cette tentative sans cesse réitérée de maintenance de la distance la plus élevée à l’ objet a. La mort est la destruction du Symbolique soit son écrasement sur l’ objet a : c’ est-à-dire la destruction totale des signifiants. Un mort est bien être insignifiant.

Le bord interne de la pulsion est la limite du champ formé par la perte de l’ objet a. Son bord externe est le Signifiant auquel elle s’ est liée soit le fantasme tandis que le bord externe du Symbolique est le symptôme. Le bord interne du Symbolique n’ est autre dès lors que le fantasme fondamental du sujet où va mener l’ acte analytique. La distance entre ces deux bords (entre le fantasme et le symptôme) est le champ de l’ Inconscient.



La distance entre fantasme et symptôme est le lieu de toutes les métaphores qui feront passer de la représentation du fantasme à la formation du symptôme. Le symptôme est donc une métaphore du fantasme fondamental du Sujet divisé de l’ Inconscient. Quant au désir causé par la perte de l’ objet a, il affecte le fantasme par le jeu des métonymies : c’ est la recherche éperdue des objets substitutifs du Sujet.

(1) : Car une écriture, une lettre, n’ est pas un Signifiant. Une image acoustique n’ étant pas un signe tracé.






Alexandre




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