La page d'Alexandre : Quelques propositions relatives au reel et à l’objet lacaniens.

 

Le Symbolique, ensemble de la totalité des signifiants, est un champ où n’ existe aucun complémentaire. Comme le rappelle très bien Saussure dans sa perspective synchronique du langage, un mot ne vaut que dans sa différence d’ avec d’ autres éléments de la langue et, pour le définir, c’ est à d’ autres signifiants que l’ on devra faire appel. On ne peut donc écrire un signifiant seul où isolément car un signifiant renvoie toujours à un autre signifiant.

 

S1———————-👉S2

 

Un nom propre va représenter le sujet qui est produit par cette nomination : il devient sujet du signifiant appartenant à l’ Autre, c’ est-à-dire à ce dont il dépend et qui le précède : le Symbolique au coeur duquel il est déposé. Il ne pourra se réapproprier qu’ à se représenter en un autre signifiant et non motu proprio. Il sera donc toujours ab alio et non a se. C’ est pourquoi il est barré.

 

S1———————👉S2

$

D’ être barré, soit d’ être dans l’ incapacité absolue de se réapproprier totalement en soi ( a se), le sujet perd donc le rapport immédiat à l’ objet, c’ est à dire au Réel qu’il perd. Il devient alors étranger au Réel et à lui-même. Cette perte est le produit de l’ opération signifiante :

 

S1——————–👉S2
— —-
$ a

 

Ce produit, ce reste de l’ opération signifiante est l’ objet dit « petit a ». Objet définitivement perdu et sans cesse recherché par le sujet $ : objet qui cause son désir. Le sujet $ est dans l’ immortel désir de l’ objet a. C’ est là que commence l’ histoire du sujet qui, ne sachant récupérer l’ objet a, n’ aura de cesse que de se donner des objets de substitution dont le fantasme va dicter la quête.

J’ écris donc la formule du fantasme qui, par définition, est un mirage :

F = ( ( $ + a) = S)

Et, comme l’ objet a n’ est pas récupérable car n’ étant pas du Symbolique mais du Réel, le sujet $ va donc générer ceci :

$ + ( b,c,d,e,f,g,…) = S(Im)

Les lettres a, b,c,d…. représentent les objets de substitution qui, imaginairement, font tendre le sujet $ vers son image S(Im). C’ est la formule de l’ impossible retour à l’ unité principielle. On peut donc écrire :

lim f($)$—a = S = Sujet mort.

Soit la limite de la fonction du sujet divisé de l’ Inconscient $ tendant à passer par la série de tous les objets de substitution possibles $—a vise S qui est le S débarré, soit le sujet mort ! Car un sujet qui ne serait pas barré, ne serait pas un sujet du Symbolique et par conséquent un sujet non parlant soit un non Sujet !

Toute la vie du sujet $ est une course vers l’ objet a par la médiation substitutive d’ objets de remplacement dont l’ appropriation est dictée singulièrement par le fantasme de chaque sujet particulier. Ce fantasme étant l’ entité topologique venant recouvrir le trou formé par a.

Ces objets substitutifs sont des métonymies de l’ objet a, on peut dès lors les écrire comme ( ~a ).

L’ insatisfaction du sujet $ étant permanente et non soluble dans (~a) , celui-ci va produire un autre type de palliatif à son incomplétude en usant de la métaphore. Ces métaphores sont identifiables comme les symptômes du Sujet $ : béquilles, compromis formés pour se maintenir dans un semblant d’ unité.

C’ est pourquoi il n’ y a pas de « discours qui ne serait pas du semblant » (Séminaire XVIII, 1971) puisque tout discours comme tout symptôme vise à restaurer l’ unité du sujet $.

Enfin, le compromis ultime, sommet de l’ illusion, est l’ amour. Ce qu’explique fort bien le titre du Séminaire XXIV de 1976 :

« L’ insu que sait de l’ une-bévue s’ aile à mourre. »

Autrement dit, l’ Inconscient sait que l’ amour est une bévue. Le mythe d’ Icare inspirant « s’ aile à mourre » : s’ élevant tant jusqu’ à ce qu’ il en « mourre » : s’ élevant vers l’ « un » (« l’ une bévue »), l’ un qui est « bévue » soit une illusion.

L’ analyse a pour but de démonter cette illusoire et névrotique course vers les objets de substitution de a car le névrosé ne cesse de courir affolé d’ objet en objet.

L’ analyse déconstruit cette course qui peut être également psychotique car le psychotique bouche ses trous avec des objets substitués qui sont hallucinations. Hallucinations visuelles correspondant à la pulsion scopique, hallucinations auditives correspondant à la pulsion orale, hallucinations liées au sein maternel ( être bouché ou pénétré), hallucinations liées au déchet (les fèces : pulsion anale) : on se décompose, on explose, on est découpé.

Enfin, l’ analyse déconstruit également la course perverse qui prétend être objet petit a pour les autres, le pervers se soutenant du fait de vouloir tenir la position de l’ objet a.

Revenons un instant à notre formule : lim f($)$—a = S

Elle définit que tout sujet $ tend à vouloir retrouver l’ unité parfaite conçue comme pur sujet se récapitulant dans la clarté d’ une conscience totale. C’ est « la jouissance toute » au-delà du Symbolique, au-delà des signifiants : l’ au-delà, c’ est l’ au-delà des signifiants.

Le sujet $ se rêve en sphère parfaite sans trou. C’ est l’ Etre parménidien conçu voici 2600 ans. C’ est le grand silence d’ une vie qui serait purement conceptuelle, purement du coté du signifié et qui jouirait de se récapituler instantanément. Aucun objet ne peut offrir cela, même pas l’ objet a ! En effet, parce qu’à supposer que le sujet $ puisse récupérer l’ objet a, ( ce qui est, de structure, impossible), il ne s’ agirait là, finalement, que d’ une récupération. On ne pourrait pas faire l’ économie de ce double mouvement de perte de l’ objet a et puis de récupération de celui-ci ni de la diachronie qui aurait fait passer, dans cette perspective, de S à $ et de $ à S. Reconstitué, ce Sujet purement imaginaire serait donc fêlé de l’ écriture de sa restauration.

La formule lim f($)$—a = S écrit donc le fantasme le plus absolu et seule la mort peut ici en apporter la satisfaction. Voici donc qu’entre la jouissance et la mort se pose un calcul des limites.

Cette très fine limite se démontre d’ un propos tenu par un religieux de l’ Ordre des Chartreux qui, dans son agonie, prononça cette dernière parole : « Enfin ! ».

Mais revenons maintenant à notre expression mathémologique exprimée sous la forme d’ un calcul des limites :

lim f($)$—a = S ; celle-ci peut être également écrite comme ceci :

lim f($)$—a = S = lim f(S/s)$—a car $ = S/s

On aperçoit immédiatement que plus $ tendra vers a, plus cette limite va tendre vers l’ infini à l’ instar de l’ équation algébrique d’ une hyperbole de type y= 1/x où f(x) = 1/x.

En effet, lim f(x)x—0 = lim 1/x avec x tendant vers 0 = l’ infini. Ceci constitue la métaphore topologique de la jouissance qui est d’ équation hyperbolique.

Voilà décrit l’ infini de la jouissance par le tout absolu qui correspond à l’ asymptote verticale positive de la limite et l’ infini de la jouissance par le rien absolu qui se rapporte à l’ asymptote verticale négative de la fonction limite.

La jouissance par le tout absolu nous renvoie à la névrose qui consiste à vouloir contrôler tous les trous ou boucher ceux-ci grâce à un festival de méthodes : boulimie, anorexie, toxicomanies, tocs, logorrhées, etc… Elle nous renvoie aussi à la psychose qui, à l’ inverse de la névrose, vise à réduire tous les trous en un seul trou et ensuite à le boucher par un mécanisme de déspécification pulsionnelle.

La jouissance par le rien absolu est plutôt du coté de la perversion qui cherche à maintenir l’ autre dans le rien de l’ abjection afin d’ être tout.

Psychotiques et névrotiques partagent ceci en commun qu’ ils multiplient les signifiants mais disposent de peu de signifiés : tout le dire du $ gravite autour d’ un nombre réduit de concepts.

La perversion inverse le rapport S/s en rapport s/S soit l’ ordre même de la polysémie. Elle tente de ramener une multiplicité de concepts à un seul signifiant. quel que soit le concept, il est ramené au rien. Les pervers vont annuler les différences pour les faire tendre vers moins l’ infini. Ils tentent donc de se mettre à la place de l’ objet a dont les coordonnées sont nulles par définition car hors champ symbolique. C’ est la destruction de l’ autre par l’ annulation de son discours et de sa parole.

L’ objet a n’ ayant pas de coordonnées non nulles au champ symbolique ne peut être rejoint par le $ car l’ expression de la limite ( lim f($)$—a = S = lim f(S/s)$—a car $ = S/s ) ne souffre pas que s égale 0 : s ne peut qu’y tendre.

Ceci explique bien le mathème lacanien de la pulsion : le poinçon.

$ 💠 a

Quelle que soit la position de $, il ne rejoint jamais l’ objet a car ses coordonnées ne peuvent jamais valoir (0,0).

$ est sans cesse déporté de a. Un exilé en quelque sorte. On passe de la définition classique de la vérité comme « adequatio rei ad intellectus » à la vérité comme « inadequatio rei ad intellectus per verbum. »

Ceci nous inspire une réflexion : si l’ objet a (qui est unique) est à jamais perdu de par l’ entrée du Sujet dans le Symbolique qui est lieu de l’ Autre (avec la Loi) et que celui-ci est recouvert par le fantasme et représente la perte du Sujet $, alors l’ on peut en tirer neuf conséquences :

1. Le sujet $ est, tout au long de son ex-sistence, séparé du Réel.

2. Que le Réel est unique et qu’ il était total d’ avant l’ entrée du Sujet $ au Symbolique.

3. Que lorsque le sujet $ quittera le Symbolique par sa mort, il sera, d’ un point de vue strictement topologique, reconduit à cet unique objet : c’ est la fin de la béance.

4. Que s’ il n’ y a d’ être que de langage, tous les phénomènes perçus par le sujet $ sont des faits de langage.

5. On peut écrire S – a = $. Soit que le Symbolique troué par le Réel ( donc perdant l’ objet a) est à la genèse du sujet $. Or $ possède l’ être de langage, on peut donc écrire $ + a = S. Ce qui signifie qu’ un « plus d’ être » que l’ être de langage existe. L’ objet a possède subséquemment en soi une qualité d’ être qui est différente de celle qui affecte l’ être de langage $. Et le $ cherche ce « plus d’ être » en vain. Car, l’ atteindrait-il, il deviendrait S, soit se dissoudrait dans le Symbolique.

6. Au sens aristotélicien du terme (et Lacan n’ hésite pas à puiser chez celui-ci), l’ objet a est cause finale du sujet $ qui n’ a de cesse que de le chercher tragiquement.

7. L’ objet a est aussi, toujours d’ un point de vue aristotélicien, cause efficiente du désir de $.

8. L’ objet a est également cause formelle de la division du Sujet de l’ Inconscient par la perte que celui-ci en subit.

9. L’ objet a est enfin, par son retrait, cause matérielle de l’ ensemble des faits de langage qui affectent le sujet $ puisque sa perte est concomitante à l’ entrée du sujet $ dans le Symbolique.

La barre sur le S du $ manifeste le manque de l’ objet a qui met $ en position de n’ être qu’ être de langage. En son coeur, le sujet $ voit son essence ne pas coïncider avec son existence car il y a fente : la barre le rendant inadéquat à lui-même. A contrario, l’ objet a possède la propriété d’ adéquation entre son essence et son existence puisqu’il n’ est pas enclavé au champ Symbolique. On dira donc avec plus de justesse qu’ il n’ y a d’ être de langage que dans le registre de la perte de l’ objet a.

A son Réel, Lacan a donné un nom où plutôt une phrase lapidaire exprimée sous une forme négative : « Il n’ y a pas de rapport sexuel ». Et, en effet, s’ il n’ y a pas de rapport dit « sexuel », c’ est d’ abord parce que le « sexuel » est déjà pris dans le Symbolique chez l’ être de langage : le « sexuel » est contaminé par les signifiants qui ne sont en aucune manière complémentaires entre eux. Il n’ y a donc pas de rapport « sexuel » possible du fait même qu’il n’ existe que des différences entre les signifiants.

Mais pourquoi n’ y a t’ il point de rapport possible dans le Symbolique ?

Pour une raison majeure :

Il manque un signifiant dans toute la langue soit dans le Symbolique. Ce signifiant est le signifiant binaire, S2, soit le signifiant du Nom du Père. Le Nom du Père est innommable. Or, c’ est précisément le signifiant du Nom du Père qui participe au refoulement originaire inaugural de l’ Inconscient ! S2 / (S1/s1) = S2 / Phi.

Si c’ est Phi qui initie et commande toute la chaine signifiante, le Nom du Père, comme innommable, permet à Phi d’ advenir comme ce à quoi renvoie l’ également indicible objet a.

L’ Inconscient se forme d’ un tiers innommable, d’ un signifiant manquant qui, de son vide originaire, va renvoyer au totem phi, sacrifiant ainsi la place vide du Père. Le Nom du Père, c’ est la place vide du Père occupée par Phi.

Il n’ est donc pas étonnant que l’ objet a apparaisse par son absence à l’ instar du deuxième signifiant du Nom du Père. A l’ ordre de la perte originaire générant le Symbolique correspond en écho symétrique une autre perte inaugurant la fluidité des chaines signifiantes.

Dans son langage, chaque sujet $ tente de combler la béance castratrice causée par l’ intégration de S2 à sa propre chaine signifiante. Son discours et ses paroles vont donc se mettre en mouvement à cette fin et ce jusqu’à ce que le sujet $ s’ effondre dans la mort c’ est -à-dire dans l’ insignifiance. Ces paroles et ces discours du sujet $, organisations particulières des chaines signifiantes de chaque sujet $, vont constituer l’ histoire du sujet $ et sa structure : névrotique, psychotique ou perverse.

Ces structures sont toutes contenues dans le poinçon : $💠a

Quelle histoire m’ est racontée ? Quelle histoire vais me raconter ? Et quelle histoire raconterai-je afin de gérer au mieux ma condition de sujet ayant perdu l’ objet a ? Essentiellement trois histoires.

$ \/ a : des histoires névrotiques de type $ ou objet a.
$ /\ a : des histoires psychotiques de type $ et objet a.
$ = a : des histoires perverses de type $ s’ identifie à l’ objet a.

La névrose :

Le névrosé a bien intégré la castration originaire et l’ a même si bien intégré qu’il n’ a de cesse de négocier avec elle. L’ objet a est bien perdu, c’ est clair : $ ou a. Le névrosé, dans sa tentative de bouchage de la fente subjectale va donc se choisir des objets de substitution.

J’ appelle « objets de substitution de l’ objet a » des objets sa.

Quel que soit le type de névrose, l’objectif du mécanisme névrotique est de satisfaire les trous bien distingués du corps afin de mener ceux-ci à une forme de jouissance ou d’ apaisement homéostatique.

Illustrons cela par quatre exemples : les collections, la propreté, la pornographie et l’ anorexie.

– La manie des collections : Le sujet $ choisit un type d’ objet sa. Ce choix peut lui-même être décrypté comme une métaphore de la pulsion. L’ accumulation de ces objets sa apporte un sentiment de sécurité, la jouissance étant la découverte de l’ objet supplémentaire qui vient agrandir la collection : la jouissance = x(la collection) + 1(objet) : j= x+1 = encore = en corps.

Tout se joue dans ce « toujours plus un » qui vient engendrer cette régression à l’ infini vers le tout plein, fantasme de l’ unité originelle. Les objets sa choisi par le collectionneur renvoient à son fantasme spécifique quant au tout plein qui le fait jouir.

Les objets sa choisis renvoient tous à un type particulier de pulsion ( ex :l’ accumulation de tableaux met en jeu la pulsion scopique et parfois la pulsion anale).

– Obsession de la propreté : La clef de cette névrose tient dans une logique du paradoxe : « Afin d’ accéder à la jouissance, je dois éliminer tous les déchets (ou être absolument propre) ». Autrement dit : « Tu ne jouis pas des déchets, tu dois donc te débarrasser de tous tes déchets pour jouir. » Paradoxe renouvelé par la jouissance de se débarrasser des déchets afin d’ être en mesure de jouir propre ! Voilà la métonymie à l’ oeuvre : « Si tu contiens ou porte des déchets alors tu es un déchet : on va donc t’ évacuer ! ». L’ objet sa est ici, bien sûr, les fèces. L’ obsessionnel de la propreté passe son temps à s’ évacuer lui-même : le paroxysme de ce symptôme étant pour lui de s’ éliminer totalement afin d’ être absolument propre à jamais. Pulsion anale : le sujet s’ évacue !

Dépendance à la pornographie : Celle-ci repose sur le fantasme d’ un autre qui serait complet et qui pourrait donc jouir et faire jouir parfaitement. La pulsion scopique est ici en jeu afin d’ opérer la vérification du fait de savoir si l’ on peut jouir de la même manière que cet autre fantasmé. L’ objet sa est l’ image des dérivés de Phi : seins, organes sexuels, etc…

L’ anorexie : Le vide laissé par la perte de l’ objet a est recouvert par un fantasme qui constitue une métaphore de ce vide : la jouissance serait atteinte en imitant la béance ainsi formée. Se conformer à ce vide correspond alors à ne plus remplir les orifices corporels. Il y a là une inversion de la signification objectale : la nourriture est dégoutante et assimilée aux fèces : manger, c’ est donc mourir. Le fantasme d’ une assiette constituée d’ aliments pourris est ici fonctionnel.
On notera, d’ ailleurs, que les mots « nourriture » et « pourriture » sont identiques à une lettre près. La lettre initiale du deuxième mot passe de « n » à « p ». Une barre vient s’ ajouter au « n » de « nourriture » : c’ est la signature phallique consécutive au dépôt de l’ Inconscient sur ce signifiant. L’ objet sa est ici le corps même qui se bouche. Le corps de l’ anorexique devient pure ouverture, pur trou, bouché par la lettre phallique de l’ Inconscient : pure jouissance topologique, immatérielle.

La psychose :

La condition structurale d’ entrée dans la psychose est la forclusion du Nom du Père. L’ algorithme S2 / (S1/s1) ou S2/Phi n’a pas pu se former au titre de refoulement originaire. Le sujet reste donc bloqué sur l’ algorithme antérieur S1/s1. Le tiers n’ a pas été intégré et le Signifiant du Nom du Père ne renvoie pas à Phi.

La séquence signifiante du psychotique se forme donc d’ une structure binaire S1/s1 et non d’ une structure ternaire S2/(S1/s1) : tiers exclu donc. Il s’ ensuit que la séquence signifiante du psychotique est formée d’ un S2 absent, trou structurel ou forclusion : (S1, trou , S3, S4, …, Sn).

La structure psychotique est positivement une structure binaire non castrée : le tiers devient menace de dé-fusion.

Cette menace apparait, parce que forclose de l’ Inconscient, dans la réalité du sujet : voix, images, morcellement du corps et du monde, complots à l’ encontre de l’ unité bienheureuse du sujet, etc… Soit toute une panoplie de manifestations qui traduisent au sujet le fait que l’ objet a est quand même perdu là où le psychotique soutient l’ insoutenable : « Je suis fusionné à l’ objet a ».

Le Signifiant binaire ayant laissé la place à un vide au sein de la chaine signifiante, le $ du psychotique a du mal à s’ écrire : la barre ne se place pas sur le sujet mais hors de lui. Le signifiant ne renvoie donc que très difficilement à du signifié engendrant une déficience de la polysémie et de la symbolisation. Le signifié du Nom du Père forclos se place hors du sujet comme Réel et le Phi non introjecté déclenche des récits de découpe du corps, de pénétration d’ influences, de dispositifs posés à l’ intérieur de l’ organisme, de dialogue avec Dieu, etc…

Comme l’ Autre ne nomme pas l’ autre au sujet, la captation du Moi par son reflet spéculaire ne s’ élabore pas correctement et cause une grave perturbation de la reconnaissance de sa propre image et de celle d’ autrui. Ce sont les visions d’ horreur que l’ on a soi dans un miroir, la perception de l’ autre comme un automate ou un mannequin vide : l’ oeuvre picturale de Bacon en est un exemple flagrant. L’ autre est désinvesti de sa réalité subjective et l’ Autre parle en d’ autres lieux tels les objets.

Le Nom du Père n’ étant pas associé à Phi, celui-ci peut s’ attacher à d’ autres représentations externes : Dieu, diable, anges, démons, esprits, fantômes… Ils vont parler ou pénétrer tels les divins rayons du Président Schreber.

Dans la psychose se produit une modification topologique : les trous du corps se bouchent en fusionnant en un seul trou déspécifié qui va représenter tous les autres. La prétendue fusion à l’ objet a nécessite la formation d’ un seul trou correspondant à ce seul objet. Cette topologie se traduit dans les délires où apparaissent des inversions et confusions des fonctions orales et anales : le trou est à la fois lieu d’ entrée et de sortie de l’ organisme.

La perversion :

La perversion est une tentative raffinée d’ échapper à la névrose et à la psychose. Le pervers n’ a pas la prétention de détenir l’ objet a mais d’ être l’ objet a. Le substantif « perversion » rayonne ici de toute sa véracité étymologique latine : per-uertere : tourner dans l’ autre sens, à l’ envers.

Le pervers nie la réalité du poinçon et prétend que $ = objet a. Ce qui est impossible à tenir car tout le symbolique est émergence consécutive à la perte de l’ objet a. Le pervers ramène l’ objet a dans le Symbolique et soutient que les deux peuvent coexister : il fusionne la cause et l’ effet.

Si $ = objet a , il en découle logiquement que :

1) Le pervers a résolu le problème de son sujet barré en se réifiant, en se plaçant du coté de l’ objet, en liquidant sa propre position subjective.

2) Dans cette perspective, il ne projette pas sur l’ autre la qualité de $ qu’il reconnaîtrait en lui-même mais la qualité d’ objet : l’ autre est également réifié.

3) Enfin, il prétend, comme objet a, être la cause du désir de l’ autre : la vraie. Il s’ arroge donc un pouvoir absolu sur l’ autre et se croit détenteur des clefs de sa jouissance.

Possédant le pouvoir de nous débarrer et de mettre fin à la béance consubstantielle à notre contingence d’ être parlants, le pervers va nous dé-subjectiver. Le pervers passe donc derrière le voile du fantasme en l’ actant. Son but est de produire le fantasme par la médiation de l’ objet.

Le névrotique dira : « Ai-je bien vu ? » ; le psychotique dira : « Je vois bien » ; le pervers répondra : « Je vous vois ». Le pervers se place derrière le miroir.

Alors que chez le névrotique les objets bouchent, que chez le psychotiques les objets apparaissent et/ou parlent, chez le pervers, ceux-ci font jouir au détriment du sujet. Le fétiche est interface entre le pervers et le monde.

Là où le névrotique court dans toutes les sens pour contrôler les trous, là où le psychotique les réduit en fantasmant son éclatement somatique, le pervers jouit de la négation du corps de l’ autre, de sa réification.

Le névrotique est dans l’ ordre de l’ objection : « oui, mais… ? ».
Le psychotique est dans l’ ordre de l’ éjection : « Non, pas çà ! ».
Le pervers est dans l’ ordre de l’ abjection : « Oui, tu n’ es rien ! ».




Alexandre

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